Pour quand, pour qui ?! La téléphonie mobile de troisième génération (3G) est au cœur de l’actualité en Algérie.
Les décisions et déclarations à son sujet se multiplient ; déploiement partiel, exclusivités régionales… Si certains tentent désespérément de comprendre la logique qui se trouve derrière ces décisions, de nombreux Algériens qui ne sont pas proches du domaine n’arrivent pas à suivre le débat, car le terme 3G en lui-même reste flou pour eux. Voici donc avant d’entrer dans le vif du sujet une définition du terme.Qu’est-ce que la 3G ?
La 3G désigne une génération de normes de téléphonie mobile qui sont principalement les normes UMTS — Universal Mobile Telecommunications System — qui permettent, selon l’UIT (Union international des télécom) des débits de data de 2 megabits par seconde. Autrement dit, cette technologie permet à de plus grandes quantités de données de circuler plus rapidement sur les réseaux cellulaires, et contrairement à ce que l’on pourrait croire, la 3G peut aussi être utilisée pour envoyer et recevoir des données sur des ordinateurs portables et assistants numériques personnels. Ainsi, la 3G fournit une mobilité sans fil à ces appareils, ce qui permet à l’utilisateur d’internet de rester connecté et d’échanger des données où qu’il soit.
Passé ce bref rappel de ce qu’est la 3G, il convient de s’interroger sur les objectifs de son déploiement en Algérie. Pourquoi a-t-on besoin de la 3G ? Il faut savoir que son déploiement a un double objectif : d’une part, résoudre le problème de saturation du réseau, donc améliorer la capacité du réseau à supporter des données devenues plus importantes et plus lourdes, la vidéo est un bon exemple. Pour mieux comprendre la situation, les experts en la matière font le parallèle entre la saturation des réseaux et celle des routes qui sont restées les mêmes pendant que le nombre de véhicules a explosé.
D’autre part, la 3G permet le développement d’internet. En effet, si le développement du réseau de fibre optique prend du temps et nécessite des autorisations, pour le mobile cela est beaucoup plus facile. Le seul inconvénient, c’est que le coût de l’investissement est plus important. C’est justement pour cela que les prix des abonnements 3G risquent d’être inaccessibles pour beaucoup de citoyens.
Un aperçu sur les prix
La politique des prix permet à une entreprise de déterminer le prix auquel son produit sera vendu. Elle prend en compte plusieurs facteurs qui sont agrégés et qui vont donner un prix. Pour le cas de la 3G, «la stratégie du gouvernement a un grand impact sur les prix», affirme Abderrafiq Khenifsa, fondateur d’IT Mag, un magazine dédié à l’information IT. Est-ce que le gouvernement veut que la 3G puisse être abordable ? Est-ce que le gouvernement veut une massification de la 3G sur tout le territoire ? Est-ce que le gouvernement utilisera le service universel ? De toutes les notions autour desquelles se sont affrontés les économistes, la question du prix est sans doute la plus sensible, car la plus directement liée à des intérêts sociaux, mais c’est aussi celle qui permet de mieux comprendre à quel point l’économie est avant tout «politique».
D’après notre interlocuteur, au vu du prix de la licence qu’il juge important, et au vu de l’investissement colossal — qui pourrait atteindre le milliard de dollars — il ne faut pas s’attendre à un petit prix pendant au moins la première année. Les opérateurs mobiles vont calquer ce qui s’est passé pour la 2G. Très chère au début et ensuite le prix va diminuer pour atteindre un prix «acceptable».
Si l’on se réfère à ce qui se fait aujourd’hui en Algérie, on remarquera que l’ADSL (1 Mb/s) coûte autour de 2000 DA, et l’utilisateur trouve cela très cher avec une qualité, nous dit-on, médiocre et il s’en accommode parce qu’il n’a pas le choix. Il n’y a pas de concurrence sur le fixe, alors qu’avec le mobile la concurrence est rude. «Il est fort probable que les prix puissent être abordables et certainement commenceront à partir de 2000 DA», nous dit-on.
Que va-t-elle changer dans la vie des algériens ?
Pour ce qui est de l’accès à internet, il ne faut pas s’attendre à des miracles, nous dit-on. En effet, mis à part ceux qui ont un problème de ligne téléphonique et qui vont enfin pouvoir se connecter grâce à la 3G, les autres citoyens, ceux qui n’ont pas pu se payer un abonnement ADSL pour un foyer de plusieurs individus, par manque de moyens financiers, ne vont certainement pas pouvoir s’offrir un abonnement 3G, sachant que c’est un abonnement individuel et qu’il sera certainement plus cher, du moins au départ.
Par ailleurs, si on se réfère à d’autre pays du monde qui ont exploité le data mobile, on se rend compte que la 3G peut avoir un impact énorme sur l’individu mais aussi sur l’économie. «Malheureusement, en Algérie, nous sommes en retard. Le web manque de contenu, pas de e-banking, pas de e-Gov. Il reste donc à l’Algérien les réseaux sociaux et le mail», déclare Abderrafiq Khenifsa. Ainsi, dans un premier temps, la 3G va permettre aux citoyens de consulter leurs boîtes mails, d’accéder au chat, se divertir. C’est un outil pratique qui permettra au citoyen de se connecter via son téléphone et d’accéder au contenu web auquel il accédait déjà avant l’arrivée de la 3G.
Quel impact sur l’économie algérienne ?
Interrogés sur l’impact du lancement de la 3G sur l’économie du pays, nos interlocuteurs s’accordent à dire qu’à court et moyen termes, cette technologie ne va pas révolutionner l’Algérie, elle ne va pas générer de la croissance. Il y a un tel poids des hydrocarbures en Algérie, ce qui fait que même si la 3G pourrait contribuer à augmenter la part des TIC dans le PIB, l’impact sera marginal. Mis à part la création de quelques emplois, le seul impact que nous pouvons imaginer d’un point de vue économique concerne la création de contenus (sites, applications…), notamment pour les sites de presse.
Selon Nabi Hennia, concultant en Webmarketing, la 3G ne permettra pas aux entreprises présentes sur le marché d’augmenter leurs chiffres d’affaires. Celles qui ne sont pas présentes sur le web doivent absolument assurer une présence sur le web et l’optimiser avant de passer au M-commerce.
Elles doivent d’abord apprendre à communiquer avec leurs clients sur Internet et connaître leurs réactions. Par la suite, elles doivent développer des versions mobiles et chercher à optimiser leurs sites web pour mobile. Il y a toute une étude à faire concernant l’ergonomie des sites et les produits à mettre en avant, sachant que contrairement à l’écran d’un ordinateur, sur le mobile le client ne peut visualiser qu’une petite surface, il y a donc tout un travail à faire sur les produits qui doivent être visualisés.
Par ailleurs, Lounès Guemache, patron du journal en ligne TSA, attire notre attention sur le fait que la 3G au même titre qu’internet aurait pu avoir un impact sur le e-commerce. Cela aurait pu être possible si le système bancaire était aux normes et n’était pas archaïque et s’il y avait déjà un cadre législatif adapté au développement du e-commerce. «Tant que le système bancaire n’a pas été réformé, on ne pourra pas parler de e-commerce en Algérie», déclare notre interlocuteur, selon qui les quelques sites de e-commerce présents sur le marché algérien essayent de contourner cela ; seulement, ils ne peuvent vendre qu’à des montants acceptables. Plus le montant de la transaction est élevé, plus les risques sont élevés (transport par exemple), et moins il est facile pour l’entreprise de gérer la transaction.
À qui la 3G va profiter le plus ?
La 3G va essentiellement profiter aux opérateurs mobiles, aux équipementiers, car le taux d’équipement en smartphones et tablettes vont certainement augmenter. Elle va également profiter aux sites de presse qui sont de grands créateurs de contenus, les utilisateurs d’internet, essentiellement des professionnels qui sont constamment en déplacement. Quant à ceux qui ont déjà la connexion chez eux et dans leurs bureaux, l’intérêt sera minime.
Une logique… illogique !
Pour revenir à la décision de doter certaines wilayas en 3G, nos interlocuteurs affirment ne pas saisir la logique, s’agissant des wilayas sélectionnées pour la phase du déploiement du réseau 3G mobile, en l’occurrence, Alger, Oran, Constantine et Ouargla. Pourquoi avoir choisi ces villes, alors que l’ADSL est déjà bien déployée dans celles-ci, ce qui n’est pas le cas de certaines zones où le taux de pénétration est très faible et que le déploiement de la 3G aurait pu améliorer. Quant aux exclusivités régionales, celles-ci vont à l’encontre du principe de base de la téléphonie mobile qui est la continuité du service.
En effet, les abonnés chez un opérateur ne pourront pas se connecter à Internet dans des villes où c’est un autre opérateur qui a obtenu l’exclusivité. La continuité du service est donc rompue. En outre, ces exclusivités vont recréer des monopoles, alors que la téléphonie mobile a permis par le passé de rompre ces monopoles. Pourquoi vouloir les
recréer ?